Rubrique bouquins: 'Malavita' par Tonino Benacquista
Voilà une bonne surprise, un bouquin qui m'a plu du début à la fin. Je n'avais jamais lu de livres de Tonino Benacquista - mais je pouvais difficilement être déçu, étant donné que le monsieur a écrit le scénario de 'Sur mes lèvres' et 'De battre mon coeur s'est arrêté'? J'avais donc hâte de voir ce que cela pouvait donner en version papier. Humour noir, milieux pas très catholiques, secrets inavouables, personnages charismatiques, on retrouve ici les ingrédients qui ont fait le succès de ces deux films.
Fred Blake et sa petite famille américaine débarquent en pleine nuit dans leur nouvelle maison de Cholong sur Avre, dans la Normandie profonde. Difficile de savoir d'où ils arrivent - les infos seront données au compte-gouttes au fil du roman. Outre Fred, on retrouve sa femme Maggie, qui va vite s'intégrer à la vie sociale du village, son fils Warren, beaucoup plus malin qu'il n'en a l'air, et sa fille Belle, jolie adolescente pleine de rêves. Pendant que les enfants découvrent leur nouvelle école, Fred tombe sur une vieille machine à écrire, qui va déclencher en lui l'envie d'écrire ses mémoires. Et le bougre en a, des choses à dire: ancien parrain de la mafia du New Jersey, il est protégé par un programme spécial du FBI visant à maintenir en vie des témoins de procès importants. Son vrai nom? Giovanni Manzioni. Pourquoi il est protégé? Parce qu'il a vendu ses anciens amis, dénonçant toute son organisation en échange de la clémence du jury. Depuis, Giovanni et les siens sont baladés d'un endroit à l'autre, leurs identités modifiées, et suivis comme leur ombre par Tom Quintaliani et son équipe du FBI.
A mesure que l'on découvre les anciennes exactions de Fred, sa famille s'adapte à son nouvel environnement. Petit souci: il faut attirer au minimum l'attention, même dans un si petit village où ils sont à priori en sécurité. Et la fin du roman montrera que Fred et sa famille ont failli à cette tâche - ne comptez cependant pas sur le Teds pour vous en dire plus; il faut maintenir le suspense entier.
On lit 'Malavita' comme on regarderait un film; on imagine la caméra se baladant de l'un à l'autre des personnages, suivant leur évolution. On se demande finalement ce qui les unit vraiment, tant leurs aspirations individuelles sont différentes. On sent toute la tension, la peur d'être démasqué, découvert, la déception de devoir vivre caché, de devoir abandonner son identité pour survivre. Cette tension est régulièrement relâchée par de bonnes doses d'humour noir, chaque personnage ayant aussi ses failles. La relation étrange entre Fred et Tom est aussi au centre de l'oeuvre, évoluant au fil de l'histoire, jusqu'à un dénouement inattendu.
Le rythme est rapide, allant crescendo à mesure que le roman avance; pas de temps mort, juste des pauses récréatives pour ménager un peu le lecteur. Benacquista nous balade bien, distillant parcimonieusement ses indices, frappant toujours lorsque l'on s'y attend le moins. Seule petite critique, peut-être: le peu de vraisemblance de certains passages sur la fin, lorsque tout s'emballe; on se demande si cela est vraiment possible. Mais enfin, le reste est tellement bon que l'on pardonnera à Tonino Benacquista ce manque de rigueur sur la fin. Le Teds a adoré, et 'Malavita' reçoit allègrement le label du blog du Teds. Voici un livre qui vous prend aux tripes, qui se lit vite mais se permet d'aborder de nombreux thèmes, sans y toucher. Benacquista est un orfèvre du dialogue, un magicien des mots. Lisez Malavita sous cet angle, vous ne serez pas déçu.
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