Rubrique bouquins: 'Julien Parme', par Florian Zeller
Ce livre m'a été offert par Lolo pour la Saint-Valentin; excellente idée puisque j'avais failli l'acheter à sa sortie en 2006. Florian Zeller, c'est l'un des membres de la nouvelle vague littéraire française - il avait notamment conquis le public (et la critique, ce qui n'est pas un mince exploit!) avec 'La fascination du pire', dont je vous avais déjà parlé dans cette rubrique.
A sa publication, 'Julien Parme' avait fait grand bruit, étant alors décrit comme un excellent roman, celui de la consécration pour Florian Zeller. Dans ce cas-là, le Teds aurait plutôt tendance à se méfier...pourtant, il faut bien se rendre à l'évidence, ce livre est un vrai bijou. Jubilatoire, grisant, dépaysant, caustique, rafraîchissant; tous ces adjectifs conviennent à merveille pour décrire ces 255 pages de bonheur. 'Julien Parme' se lit vite; l'unité de temps (l'histoire se passe sur deux jours, plus quelques flash-backs) et l'emploi de l'imparfait et du passé composé n'étant pas étrangers à cela. Des phrases courtes, l'utilisation de la première personne, de mots directs et parfois crus rendent l'oeuvre vivante et tellement 'réelle'. Je l'ai lu principalement dans le bus, et je ne compte plus le nombre de sourires et de rires discrets et spontanés que les lignes de Zeller ont provoqué. Comme une dose quotidienne de bonne humeur, une bouffée d'air frais, de l'eau froide sur les poignets en une chaude journée d'été...Quelque chose qui soulage, qui, l'espace de quelques chapitres, vous transporte loin du quotidien (même si le mien est parfait!).
'Julien Parme', c'est l'histoire de...Julien Parme. Un adolescent de 14-15 ans, qui ne veut plus être enfant, mais est encore bien loin d'être un adulte. Fumer en cachette, rêver aux filles, se voir écrivain, le jeune homme passe par tous les sentiments de ce bel âge. A la maison, c'est loin d'être parfait; entre une mère trop sévère, un beau-père qu'il déteste et une 'demi-soeur' qu'il ne supporte pas, Julien étouffe. Lui viennent alors des envies d'ailleurs, d'autres horizons, l'envie de fuir et de s'accomplir en tant qu'auteur, sa vraie destinée. Une fête d'anniversaire va lui donner le prétexte pour prendre l'air; oh, pas bien loin, sa fugue se cantonnant aux rues de Paris...mais tellement loin dans les rêves, dans l'esprit.
"Elle a dit ça avec son petit air de sainte-nitouche. Ca m'a super enrvé. Je suis resté immobile encore un instant, comme tétanisé, car j'entendais une voix en moi qui me disait "Pars! Le plus loin possible! Casse-toi! Y a personne qui veut ton bien dans cette baraque! Pars pendant qu'il en est encore temps!...Sois courageux!" J'ai regardé à travers la lucarne. Dehors, il faisait nuit. Il était tard. J'ai respiré profondément pour me calmer, il sera toujours temps de se tirer plus tard, et je suis rentré dans l'apprt. Bien sagement. ".
Au fil de ses balades, Julien nous livre ses pensées sur la vie, sur ses difficultés, ses espoirs, le tout sur le ton de la confidence, de la conversation entre copains - mais avec une réelle humanité, quelque chose de touchant que l'on sent sincère derrière la naïveté feinte: "A force de vivre normalement, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on a l'esprit d'observation anesthésié. On ressent plus rien du tout. On se contente d'aller d'un endroit à l'autre, avec du vide dans les yeux. Mais les jours où on se sent fragile,on a toujours une sensibilité plus forte, une attention aiguisée comme un couteau, et on perçoit des trucs bien plus subtils. Voilà ce que je pense. C'est pour ça qu'à mon avis, la souffrance c'est bien de temps en temps. Ca vous force à ouvrir les yeux. Et à l'inverse, le pire, selon moi, c'est de plus savoir souffrir. Certains types sont comme ça. Rien qu'à les voir, on comprend qu'ils sont incapables de souffrir, d'avoir mal, de s'abimer dans la détresse. Ils sont toujours à la surface des choses, comme une bouée triste qui connaîtra jamais les fonds marins, les poissons, les requins. Ils ont si bien pris l'habitude de vivre qu'ils traversent leurs journées identiques sans jamais témoigner d'une quelconque sensibilité. Les types comme ça, ça me dépasse. Parce que, dans ces conditions, je vois pas l'intérêt de vivre. ". Le roman est truffé de ces petites perles, de ces vérités qui prennent toute leur dimension dans les pensées de Julien Parme. Va-t-il revenir? Pourquivre son aventure? C'est la toute dernière page qui vous le dira...
Un livre magnifique qui récolte haut la main le label 'blog du Teds', qui est à la blogosphère ce que le Goncourt est à l'édition ;-)