Rubrique bouquins: 'Le sang du temps', par Maxime Chattam
Ca y est, me voici réconcilié avec Maxime Chattam. J'étais un peu resté sur ma faim avec 'Le cinquième règne', son tout premier roman, dont je vous avais déjà parlé ici. Une trame intéressante, mais une fin bâclée et un style un peu lourdeau.
C'est donc avec un tout petit peu d'appréhension que je me suis lancé dans la lecture du 'Sang du temps', publié par le francilien en 2005. Encore une fois, c'est une attractive quatrième de couverture qui m'en a donné envie; une intrigue semblant plausible, et qui promettait quelques frissons. Un joli cocktail, qu'il convient de traiter du mieux pour ne pas décevoir ses lecteurs. Et pour le coup, Maxime Chattam m'a étonné: un style maîtrisé, un scénario à tiroirs, et surtout une fin incroyable, avec de multiples rebondissements.
'Le sang du temps' recèle en fait deux histoires, vécues à deux époques et en deux lieux bien différents. On suit tout d'abord le parcours de Marion, la quarantaine, secrétaire à l'institut médico-légal de Paris. Tombée un jour sur un dossier top secret qu'elle n'aurait jamais du lire, elle se retrouve sous la protection de la DST. Afin de l'éloigner de l'affaire et de ses conséquences, les agents de la DST la conduisent au Mont St-Michel, où elle sera prise en charge par la communauté religieuse résidente. Les frères vont l'accueillir, la faisant passer pour une femme venue chercher un peu de spiritualité et de paix pendant quelques mois. Mais l'installation ne sera pas facile: sous ses atours lugubres de l'hiver, le Mont semble renfermer de terribles secrets, et se révèle peuplé de bien étranges personnages...Un jour, alors qu'elle aide un frère à reclasser des livres dans une vieille bibliothèque d'Avranches, elle tombe sur un bien singulier ouvrage. Caché au milieu d'un livre anodin, il semble s'agir d'un journal intime, rédigé par un Anglais ayant vécu au Caire en 1928. Sa curiosité piquée au vif, Marion va subtiliser le journal et le dévorer lors des longues nuits sombres.
Jeremy Matheson, détective dans les rues de la capitale égyptienne, alors sous le joug anglais, se retrouve au coeur d'une bien sordide affaire. En effet, depuis quelques jours, des cadavres mutilés d'enfants sont retrouvés...est-ce l'oeuvre d'un désaxé, ou bien d'une créature surgie de la nuit des temps...En tout cas, les locaux commencent à évoquer une goule, horrible personnage mythique...Faisant fi des superstitions, Matheson va tenter de démêler les fils de cette série de crimes, s'enfonçant de plus en plus profondément dans les entrailles sombres du Caire...
On passe régulièrement de l'une à l'autre histoire, entre la menace que Marion sent peser sur elle dans les recoins des abbayes et les découvertes étonnantes de Matheson...Cette alternance de lieu et d'époque est savamment menée par l'auteur, qui parvient à nous passionner simultanément pour les deux intrigues! Il réussit à ériger deux décors solides, les brumes du Mont Saint-Michel, ses escaliers, ses gargouilles, et la moiteur du Caire, le soleil pesant, la poussière du désert tout proche...sans que l'on soit désarçonné. Au fil du roman, les deux histoires vont finir par se rapprocher, se frôler...On croit avoir compris, puis tout s'écroule, on pense avoir démasqué le tueur, et en en tournemain Chattam nous renvoit chercher encore...Les suspects défilent, tous plus solides les uns que les autres; les scénarios s'échaffaudent sans que l'on sache lequel est le bon...C'est tout simplement déroutant et passionnant! A la fin, tout s'emboîte logiquement, mais on n'est jamais à l'abri d'un énième retournement de situation...Maxime Chattam semble s'amuser à jouer avec nos nerfs...
Un conseil, cependant: si vous vous aventurez dans ce bouquin, je vous en prie, ne lisez pas l'épilogue...qui à mes yeux ruine toute l'histoire. Déchirez à l'avance les 6-7 dernières pages de cet excellent bouquin, et votre bonheur sera parfait...