Rubrique livres: 'La fascination du pire', par Florian Zeller
C’est en écoutant une interview de Florian Zeller concernant son dernier roman ‘Julien Parme’ que j’ai pour la première fois entendu parler de ce jeune auteur français. J’ai tout de suite aimé sa façon de parler, les mots qu’il choisissait, et les thèmes qu’il abordait. J’ai alors profité d’une de mes visites éclair à Paris pour passer à la FNAC et acheter l’une de ses œuvres. Mon choix s’est porté sur ‘La fascination du pire’, qui m’a semblé le plus abordable pour découvrir le monde de Florian Zeller, écrivain donc mais aussi metteur en scène de théâtre.
‘La fascination du pire’ est un roman que j’ai beaucoup apprécié, écrit dans un style moderne, tranchant, qui sort un peu des sentiers battus. Pour autant, Florian Zeller ne se réclame pas de cette nouvelle vague hautaine et condescendante de jeunes auteurs qui déferle actuellement. Il utilise des mots simples, des phrases normales, et pour moi, ça c’est important – il ne suffit pas d’écrire des phrases alambiquées et qui ne veulent rien dire. Il faut avoir quelque chose à dire, un message à faire passer, et avoir la technique et la sensibilité pour le délivrer.
‘La fascination du pire’, c’est cette capacité que nous avons à toujours envisager le pire, à toujours imaginer un scénario-catastrophe lorsqu’une absence se prolonge, lorsque quelqu’un qu’on attend n’arrive pas, lorsqu’une lettre inattendue nous parvient…Le narrateur du roman, personnage principal de l’histoire, est un jeune écrivain français (tiens, tiens) invité au Caire, en Egypte, pour participer à un salon sur la littérature francophone. Là-bas, il découvrira en compagnie d’un autre auteur, Martin Millet, la façon dont l’Islam a modifié la vie quotidienne des gens, les difficultés à avoir des rapports humains normaux dans un pays codifié par la religion. Martin est un être étrange, trouble, perturbé, un rien instable, dont le destin sera à jamais marqué par ces quatre jours passés en Egypte (n’insistez pas, je ne vous révélerai pas la fin du livre…). Il tentera d’entraîner le narrateur dans ses délires et ses aventures, mais celui-ci, les pieds sur terre, saura rester à l’écart. Nos deux auteurs feront connaissance avec quelques expatriés français au Caire, passant quatre jours de découverte, d’échange, les ‘locaux’ leur faisant part des us et coutumes locales – leurs avantages et leurs inconvénients. Vivant moi-même à l’étranger, j’ai forcément été touché par ce thème…
A partir d’un scénario simple, Florian Zeller montre toute sa maîtrise de la narration. Il en profite pour aborder, sans jamais verser dans le parti pris délibéré, les incohérences de l’Islam et leur effet sur une certaine tranche de la population. Au-delà de ce prétexte, de cette parabole, c’est la liberté de penser et la liberté d’expression que défend Florian Zeller. Voilà tout son art : aborder un thème compliqué, glissant, avec un tact intelligent. Les décors sont dépaysants ; on se sent de suite transporté en Egypte, on sent presque la chaleur et la torpeur nous envelopper. Les personnages sont complexes mais bien abordés ; Florian Zeller nous dresse leur portrait en petites touches, en petites révélations et suggestions…
"J'aurais donc pu être agacé par ce que disait Jérémie. Pourtant, en l'écoutant, je réalisais qu'il m'était de plus en plus sympathique. Tout le monde ne part pas à l'autre bout du monde pour fuir une femme, après tout. Il faut avoir une certaine capacité de souffrance. J'aurais voulu lui dire qu'il fallait la taire, cette souffrance, la conserver en soi pour ne pas l'abîmer. Qu'elle se contente d'aiguiser l'attention que l'on porte aux choses, au moindre objet, à la moindre coïncidence, qu'elle redonne à chacun de nos instants déchirés la profondeur et la plénitude dont les avait privés notre habitude de vivre - mais dans le secret. "
En conclusion, j’ai été agréablement surpris par ce roman ; je ne savais pas trop à quoi m’attendre et je suis loin d’avoir été déçu. Je tâcherai sans faute de me procurer d’autres romans de Florian Zeller, afin de continuer à explorer son univers…