Qu'on lui foute la paix!!!
A prononcer de la même façon que la reine dans 'Alice aux pays des merveilles' lorsqu'elle ordonne qu'on coupe la tête d'Alice...
Mais ici, point d'Alice; point de pays des merveilles non plus d'ailleurs. Plutôt une contrée de mauvaise foi, de gens de peu de mémoire et de vautours se repaissant de la détresse d'autrui. L'objet de mon propos n'est autre que Laure Manaudou, notre championne de natation.
Ceux qui, en terminant la phrase juste avant celle-ci, ont eu une pensée du style 'tu parles d'une championne' ou 'championne, plus vraiment', sont à ranger dans la catégorie des aigris...Alors oui, Laure s'est plantée pendant ces Jeux Olympiques. Elle qui détenait le titre suprême en 400m nage libre n'a pu faire mieux que dernière en finale...ce qui la place tout de même, ne l'oublions pas, parmi les huit meilleures nageuses au monde dans cette catégorie. Tout comme en 100m dos, une discipline où elle avait plutôt bien réussi cette saison. Là, ce n'est qu'une septième place qui s'est offerte à elle. Bref, elle n'a fait 'que' deux finales olympiques, alors qu'on attendait deux médailles, si ne n'est deux titres! Mais qui l'attendait, au juste? Le peuple? Les journalistes avides de médailles? Pour ces derniers, seuls les vainqueurs comptent: vous remarquerez, qu'avec nos quatre médailles d'argent du jour, les commentaires des journalistes sont fort peu élogieux: tous ces athlètes ont raté la dernière marche, failli à leur tâche, manqué la dernière épreuve. Bande de ratés...Jamais l'on ne s'interroge sur les efforts à fournir pour parvenir en finale, jamais l'on ne considère que deuxième mondial, c'est BIEN...sur environ 6 milliards de pékins (ah ah ah)...
Bon, revenons à notre Laure. Celle dont le prénom était prédestiné aux succès olympiques a donc manqué ses jeux. Et alors? A peine était-elle sortie de l'eau ce matin que la France entière s'interrogeait sur les raisons de ce cuisant échec...Et les journaleux de nous ressortir les frasques de la championne, ses multiples petits copains, ses changements d'entraîneurs, de club, le manque de constance à l'entraînement...Je ne pense pas que Laure ait attendu votre point de vue pour se faire sa propre opinion. Les raisons, elle les connaît, elle. Si on lui foutait la paix, pour changer, et qu'on arrêtait de s'acharner sur elle? Je pense qu'elle est bien plus triste que nous, au fond.
Ce matin, quand mon réveil a sonné à 4h10 pour voir sa finale du 100m dos, j'avais un petit espoir. J'espèrais surtout qu'elle fermerait leur claque-merde à tous ces abrutis se repaissant à l'avance de sa déconvenue. Malheureusement, cela ne s'est pas passé comme cela. Tant pis, c'est le sport, l'incertitude de la compétition, qui fait que même le meilleur au monde peut se rater à tout moment.
Il était encore tôt en notre douce France, mais déjà les critiques fusaient...Trop dispersée, trop gamine, trop de pubs, pas assez entraînée, pas assez de souffrance...Quel était l'intérêt d'aller quérir l'avis de Philippe Lucas, cet homme de Cro-Magnon qui fut accessoirement son entraîneur par le passé? On s'attendait à quoi? A ce qu'il la descende, et c'est ce qui s'est passé. Yark yark yark, but atteint. La miss était en larmes depuis bien longtemps déjà, ce qui, pour tout le monde, n'était que justice: elle n'avait qu'à et bla bla bla et bla bla bla...Sauf qu'elle, elle dispute les JO et que nous avons le cul enfoncé dans le canapé.
J'abhorre cette attitude franco-française qui consiste à chercher des raisons à tout, à détruire en quelques secondes ceux que l'on a adulé quelques semaines plus tôt. Et où sont les médailles déjà glanées par Laure? Où sont ses titres? Envolés? Non, ils sont toujours là, et elle aussi...Et où sont ceux qui la portait en triomphe lorsqu'elle incarnait, fille bien sage et souriante, l'avenir de la natation et du sport français en général? Ceux-là même n'ont certainement pas apprécié qu'elle grandisse...Et oui, n'oublions pas que Laure n'a pas encore 22 ans...Est-on sensé être équilibré et stable à cet âge-ci? N'a-t-on pas le droit de se tromper? Elle a certainement cru bien faire dans toutes ses actions - je ne pense pas que sa seule volonté était de nous emmerder.
Alors qu'on lui foute la paix. L'avantage de cette histoire, c'est qu'elle rend à Laure un visage humain. Exit la machine: voici la jeune femme avec toutes ses blessures, sa sensibilité, ses doutes et ses espoirs. Je préfère cent fois cela qu'une machine à gagner, impassible, implacable et impersonnelle. Même si cela nous coûte quelques médailles...Mais au fond, qu'est-ce qui est réellement important? Je suis sûr que, lecteurs intelligents que vous êtes, vous saurez faire la part des choses.
Quant au Teds, il mettra encore son réveil pour suivre Laure dans les séries du 200m dos. Et en demi-finale. Et en finale. Même si elle est dernière.