Rubrique Livres: 'Les charmes discrets de la vie conjugale', de Douglas Kennedy

Je crois que Douglas Kennedy est mon auteur préféré, en tout cas parmi les écrivains récents. J’ai dévoré tous ses livres sauf un (que je possède tout de même…), et ‘Les charmes discrets de la vie conjugale’ n’échappe pas à la règle. Américain d’origine, mais vivant entre Londres et Paris, une ville qu’il adore (il parle d’ailleurs parfaitement français), Douglas Kennedy connaît le succès dans les années 90 avec son premier roman, intitulé ‘L’homme qui voulait vivre sa vie’. C’est avec cet ouvrage que je l’ai découvert il y a quelques années, et je relis régulièrement ce roman. Il y est question d’un homme dont la vie en apparence parfaite masque des frustrations importantes quant à sa vie privée et professionnelle…et ces frustrations voleront en éclat lorsqu’un évènement inattendu fera basculer sa vie, l’obligeant à tout quitter.  

C’est un thème récurrent chez Douglas Kennedy, qui a basé la plupart de ses écrits sur ce principe : une vie, une existence, aussi équilibrée puisse-t-elle être, peut être totalement remise en cause par une succession d’évènements soudains et non préparés. Les vrais visages apparaissent, les vrais caractères s’affichent, les rêves se matérialisent ou explosent en vol, mais jamais aucun de ses héros ne sort indemne de ses histoires. Les héros de Douglas Kennedy sont des gens tout à fait normaux, des individus sans envergure particulière, à qui il est beaucoup plus aisé de s’identifier. Cette trame est présente dans des ouvrages comme ‘Les désarrois de Ned Allen’, ou le  héros  perd son travail et commence une lente descente aux enfers, mais aussi dans ‘Rien ne va plus’, où le monde du cinéma Hollywoodien est décrit avec justesse par l’auteur : connaissant enfin le succès, son scénariste de héros devra faire face à tout ce que le cinéma possède de requins et autres énergumènes…au point de s’interroger sur sa vocation.

Alors que les trois romans ci-dessus situent leur action aux Etats-Unis, Douglas Kennedy nous offre la possibilité de voyager avec ‘Une relation dangereuse’, ou l’histoire d’une journaliste Américaine va virer au cauchemar dès son installation à Londres avec son nouvel amour. Dans ‘Cul de sac’, le romancier s’offre un bol d’air en Australie où son héros, parti pour traverser le pays sur un coup de tête, va se retrouver confronté à une communauté proprement hallucinante. Beaucoup d’humour dans ce roman noir aux personnages charismatiques et si réels. Un livre un peu ‘extrême’ par rapport à ses autres œuvres.

Le style de Douglas Kennedy est très simple, sans phrases alambiquées ou de descriptions dithyrambiques, ce qui rend ses romans si difficiles à lâcher. Le travail de traduction est excellent. Ses héros sont des gens simples, attachants, que l’on va vite soutenir au fil des tracas qu’ils rencontreront. Leurs décisions sont sincères, comme eux, et qu’elles soient bonnes ou mauvaises, elles ont l’avantage de ne pas être calculées. C’est ce qui rend les héros de Douglas Kennedy si proches de nous ; ils ne sont ni aventuriers, agents secrets ou stars de cinéma, ce sont des personnes ‘de tous les jours’ que l’on va suivre sur une certaine période de temps. Dans ‘Les désarrois de Ned Allen’ ou ‘L’homme qui voulait vivre sa vie’, cette période est assez courte et intense, alors que dans ‘La poursuite du bonheur’ ou ‘Les charmes discrets de la vie conjugale’, on va suivre les héroïnes sur plusieurs décennies.

Dans ce dernier ouvrage, l’auteur raconte l’histoire de Hannah, jeune femme d’une vingtaine d’années dans les seventies Américaines, en Nouvelle Angleterre. C’est la guerre du Vietnam, contre laquelle son professeur de père s’élève régulièrement, organisant des conférences et des actions contre cette guerre. Sa mère n’est pas en reste, féministe n’ayant pas sa langue dans sa poche, elle vit cette période contestataire avec intensité. Aussi, lorsque Hannah décide de s’installer très jeune avec son mari médecin en province, sa mère fustige le côté plan-plan et tranquille de la vie de sa fille, qu’elle aimerait plus dynamique et activiste. D’autant plus qu’Hannah va vite tomber enceinte, devant ainsi renoncer à ses rêves de voyage à Paris. Mais voilà, au fil des affectations de son mari, Hannah va finir par atterrir dans une minuscule ville du Maine, Pelham, où l’intégration va se révéler difficile. La ville est petite, chacun se connaît, et les jugements vont bon train. Cependant, après maints efforts, Hannah va réussir à se faire accepter par la communauté et débuter une vie très tranquille, où elle expérimente ‘les charmes discrets de la vie conjugale’…

Mais un jour, alors que son mari est au chevet de son père mourant, Hannah accueille chez elle une connaissance de son père, contestataire comme lui, qui se dit en voyage à travers les USA. Alors que cet individu n’aurait dû que passer la nuit sur place, il va modifier le destin d’Hannah à un point qu’elle n’aurait pu imaginer…Je ne vous en dis pas plus, mais sachez que cet évènement aura des répercussions terribles une trentaine d’années plus tard…Alors qu’Hannah, la cinquantaine, vit une vie paisible et bourgeoise entre son emploi de prof et son mari, une succession d’évènements va venir troubler ce quotidien et faire ressurgir du passé cet épisode qu’elle avait toujours enfoui au plus profond d’elle-même. Sa vie familiale et professionnelle va vite en pâtir, mais là encore, je ne vous en dis pas plus…

Ce livre est excellemment bien écrit, et l’histoire vous passionnera de la première à la dernière page. J’ai beaucoup aimé cette dualité entre les deux époques, le fait de suivre une même personne à deux périodes distinctes, avec pour seul lien la visite de ce mystérieux inconnu. On compatit rapidement aux soucis d’Hannah, on la voit se débattre dans une histoire où elle perd de plus en plus pied, et où  rien ne va dans son sens. A mon avis, la fin aurait gagné à être moins ‘positive’ ; il  est un peu dommage que tout se résolve si rapidement. Cependant, cet ouvrage est très réussi et je vous le recommande chaudement…

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