Rubrique livres: 'Chemins de fer' par Benoît Duteurtre
J'ai terminé hier soir la lecture de 'Chemins de fer', publié cette année par Benoît Duteurtre. Un bouquin découvert par hasard, comme la plupart de mes lectures, au milieu d'une librairie.
Florence est responsable d'une agence de communication à Paris, elle connaît un important succès professionnel grâce à son bagout et ses relations. Son équilibre mental, Florence l'atteint en allant passer ses week-ends dans les Vosges, dans la maison familiale qui désormais lui appartient. Dans ses montagnes, Florence se sent comme un poisson dans l'eau, retrouvant régulièrement les charmes de la vie à la campagne: le rythme des saisons, l'odeur de la cuisinière à bois, le bruit du torrent au fond de son terrain, les discussions avec ses voisins du village, bref, tout ce qu'elle ne peut obtenir ou ressentir à Paris. Pour se rendre dans son havre de paix, épargné par la civilisation galopante, Florence emprunte chaque week-end le train grandes lignes jusqu'à Nancy, avant d'attraper le train régional qui l'amènera au coeur des Vosges.
Depuis le temps qu'elle fait ses allers-retours, elle a pu suivre l'évolution du monde et de ses concitoyens au travers des 'révolutions' de la SNCF. Elle observe, note, critique et fait remarquer les nouveaux comportements des contrôleurs, l'état des wagons, la modernisation des quais et des gares. Via le prisme du chemin de fer, elle assiste, impuissante, à la modernisation de son époque: systèmes de réservation, nouveaux horaires plus rentables, fermeture des anciennes lignes trop coûteuses...Elle note avec une certaine justesse que les utilisateurs des trains, autrefois appelés passagers, sont désormais considérés comme des clients par une entreprise amenée à être rentable pour survivre...
Petit à petit, même le village de Florence va être gagné par la 'modernité'. Tout ce qu'elle rejette, en ce lieu, dans un souci de simplicité et d'évasion, va insidieusement atteindre ces contrées jusqu'alors épargnées. Parce que cette modernité qu'elle essaye de fuir, les villageois la désirent ardemment: pour eux, des lampadaires partout dans le village, des poubelles de tri sélectif, un rond-point, ce sont des marques de progrès que tout village devrait afficher. Pourquoi eux ne pourraient-ils pas bénéficier de ces 'avancées technologiques'? Florence va tâcher, peu à peu, de comprendre leur position...Déchirée entre ses activités professionnelles et sa passion pour la campagne, elle va petit à petit assouplir son point de vue, non sans tenter de retarder un processus devenu inéluctable...
Le livre est très bien écrit; j'ai beaucoup aimé la simplicité des phrases, les tournures classiques. On se laisse transporter dans les contrées enneigées, on suit Florence pas à pas dans son évolution, ses doutes, ses incertitudes sur l'avenir de son coin de paradis. On rigole parfois, lorsque l'auteur égratigne la SNCF et sa logique commerciale de nouveau riche, ses incohérences et ses mauvais choix. On rêve beaucoup, au travers des descriptions de bien jolis paysages. On envie Florence de pouvoir passer ces moments privilégiés au coin du feu, au calme, loin de tout...
Au final, j'ai passé un bon moment à parcourir les pages de ce roman que je vous recommande, même si la fin trop onirique m'a à moitié plu. J'estime simplement que le dernier chapitre aurait pu être éliminé, il n'apporte pas grand-chose au reste de l'ouvrage. J'ai maintenant hâte d'explorer un peu plus le monde de Benoît Duteurtre; je vous tiendrai au courant...