Une bien étrange campagne...
Il est toujours délicat de parler de politique sans afficher de parti-pris; je vais m'employer à réussir de difficile exercice ce soir. Je souhaitais simplement revenir en votre compagnie sur cette campagne présidentielle bien étrange, qui occupe le devant de l'actualité depuis déjà plusieurs semaines (mois?). J'avoue être particulièrement content d'habiter à l'étranger alors que vous, résidents français, êtes abreuvés de façon quotidienne d'analyses, d'études, de sondages, de meetings ayant trait à cette élection présidentielle. L'avantage, de mon côté, est que je peux choisir l'information que je veux recevoir: là est toute la magie d'Internet.Cependant, je tâche de rester informé en écoutant la radio, notamment. Mais à petites doses, alors.
Ce qui me dérange le plus, finalement, après avoir entendu les uns et les autres, est de ne pas avoir trouvé de projet à long terme, chez aucun des candidats. Cette campagne, cette élection est catégorielle. Je m'explique. Personne (électeurs ou candidats) ne semble conscient du fait que ce qu'il faut à notre doux pays, ce ne sont pas des pansements, des bandages ou des plâtres, mais bien une vision, une espérance, un futur. Ces derniers temps, les candidats tentent de se mettre dans la poche les différentes corporations formant le paysage électoral français: c'est à qui aura les ostréiculteurs, les financiers, les banquiers, les éleveurs de lévriers afghans, les piliers de bistro ou les chauffeurs de camionnettes...Chaque profession, chaque cas social isolé va plaider son cas devant les candidats, qui s'empressent de leur offrir les mesures qu'ils attendent. C'est une campagne de promesses, de poudre aux yeux, où chacun ne pense qu'à sa gueule et certainement pas au futur de son pays. On vise le court terme, on résoud les problèmes à coups de subventions, de rabais fiscaux, de nominations douteuses, mais on ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Non, il n'y a pas de projet à long terme. Les cheminots veulent travailler 7 heures au lieu de 8 (par semaine)? Accordé par le candidat X. Les directeurs de maisons de retraite veulent une baisse des charges sociales? Accordé par la candidate Z... Au final, chaque électeur apportera sa voix à celui ou celle qui saura lui offrir le plus. D'argent, de subventions, de dégrèvements. Ou le moins. D'heures de boulot, de paperasses, de charges patronnales. Et si le reste du programme du candidat n'est pas clair, et bien peu importe, puisque c'est lui ou elle qui arrangera le mieux vos affaires. Chacun pour sa gueule, quoi.
En parlant de projet à long terme, le versant écologique de cette campagne prête à sourire. Voilà un sujet sérieux, typiquement à gérer sur du long terme, avec les moyens qui s'imposent. Tous nos candidats se sont empressés d'aller signer le pacte de Nicolas Hulot; c'était à qui y serait le premier, à qui s'afficherait le plus avec l'animateur. Pourtant, écoutez bien, lisez bien, regardez bien: vous avez entendu parler d'écologie dans la campagne politique depuis? Non? C'est normal. Le sujet est passé, fini, fané. Direction la prochaine mode, le prochain filon, le prochain courant: immigration, retraites, SMIC, faites votre choix, y'en aura pour tout le monde. On aborde un sujet, on l'épuise, on le rince, et on l'abandonne. On picore, on saute d'un thème à l'autre avec une habileté déconcertante, on joue les pompiers en essayant de contenter tout le monde mais au final, on risque de ne contenter personne. Avec les conséquences éventuelles que l'on sait.
Je terminerai cette diatribe en fustigeant l'équipe de campagne annoncée par Ségolène Royal jeudi dernier. Au-delà de toute considération politique, s'entend. Celle qui prônait le changement, demandait du renouveau, voulait offrir un nouvel élan au socialisme français, qui nous a-t-elle sorti? Les Jospin, Hollande, Emmanuelli, Fabius, Mauroy, Aubry, Strauss-Kahn...Bref, les mêmes ancêtres, les mêmes dinosaures (j'éviterais le terme d'éléphants que la presse semble tant affectionner), les mêmes moutons de poussière qui traînent là depuis des années déjà. A quoi cela sert d'organiser en grande pompe des débats internes, puis de proposer aux adhérents de voter, si au final les trois 'pré-candidats' sont tous rassemblés? Si j'étais adhérent PS, j'aurais la désagréable impression de m'être fait un peu...avoir (restons poli).
Il est temps que les choses changent, que le ton de cette campagne change. Pour que cette élection soit effectivement celle du renouveau, de l'espoir, du retour à la croissance et à la joie. Et pas celle, une fois de plus, des espoirs déçus.